Homélie 22e dimanche du Temps ordinaire - C
Jeudi dernier, à deux pas d’ici, c’était la rentrée des enseignants et de l’équipe éducative de notre collège lycée Saint François Xavier. Votre serviteur y était et il est intervenu notamment pour expliquer le « pourquoi » de notre présence, ici, dans cette chapelle, tous les dimanches, (et parfois en semaine), et pour présenter le nouvel aumônier : le Père Louis-Henri suite au départ du Père Thibault.
À plusieurs reprises, en parlant du projet éducatif, le chef d’établissement a évoqué l’ambivalence des choses : « ombres et lumières », « sobriété » et « donner à voir ». Ainsi, il laissait entendre aux enseignants présents que rien n’est tout blanc, ni tout noir, mais que tout se tient dans la nuance et la justesse pour enseigner, éduquer et proposer aux jeunes un sens chrétien de l’homme.
En ce début d’année scolaire, je voudrais avec vous, à la lumière de la Parole de Dieu entendue à l’instant, développer deux attitudes que le Christ nous propose et qui peuvent convertir la vie d’un éducateur et notre propre vie : l’humilité et la gratuité !
L’humilité
« Quand tu es invité, va te mettre à la dernière place » ! Chers parents, ce n’est pas ce que vous avez dû dire à vos enfants pour leur rentrée demain : « Écoute, cette année, vise la dernière place, pas trop d’ambition… » ! Vous avez dû leur dire : « Vise haut, donne le meilleur de toi, fais de ton mieux. Nous avons confiance en toi ! » ...
Le Christ ne nous propose pas ici l’humilité pour l’humiliation, mais l’humilité pour l’élévation ! Non pas l’élévation grâce au coude-à-coude, dans une logique de concurrence ou de puissance, d’efficacité et de rentabilité, mais l’élévation grâce à nos talents, nos potentialités en nous appuyant sur notre Seigneur qui nous aime et qui veut nous élever. L’humilité ce n’est pas de renoncer à ce qu’on est, ni même d’avoir une légitime et noble ambition, ce n’est pas de s’effacer ou d’être transparent, mais c’est de renoncer à l’illusion de notre auto-suffisance.
Il s’agit ici de reconnaître que nous sommes dépendants de Dieu et que nous sommes aussi dépendants des autres. D’où le rappel de Jésus à l’abaissement et à l’humilité. S’abaisser, c’est prendre le chemin du service, le chemin du serviteur, celui sur lequel Jésus nous a précédés. S’abaisser, c’est aussi regarder les autres comme des partenaires et non comme des adversaires. Combien de fois ne nous est-il pas arrivé d’avoir un regard hostile, hautain et de faire des comparaisons dévalorisantes à partir de futilités ?
Rivalité et jalousie tuent l’humilité. J’ai été très marqué par un propos très récent du Pape Léon : « Celui qui vous dirige ne doit pas s’estimer heureux de dominer par le pouvoir, mais de servir par charité » … Il s’inspirait là de la Règle de Saint Augustin !
La gratuité
« Au contraire, quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux et des aveugles ; heureux es-tu parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour ».
Inviter des gens qui ne peuvent pas nous rendre !... Compliqué quand même !... Notre société et souvent toutes nos relations sont basées sur la réciprocité. On parle toujours de « gagnant-gagnant », « donnant-donnant », et chacun espère, même parfois dans ses sentiments, un retour sur investissement ! Qu’est-ce que nous faisons alors de spécial ?
Il est bon de recevoir tant de choses et de dire MERCI, c’est essentiel : remercier mes parents qui font tant pour moi, remercier mon époux, mon épouse… combien de couples sont vivifiés par ces mercis au quotidien qui font grandir la délicatesse et l’attention à l’autre. Combien de couples, de familles, ou même entre paroissiens, sont blessés par manque de gratitude ou de « Merci » (Tiens, au fait, rien que cette semaine, petit défi : appliquez-vous à remercier au moins 3 personnes par jour, et ce, pour une chose précise, circonstanciée) …
La pointe de la parabole n’est pas sur ce MERCI que je dois dire ou auquel je crois avoir le droit. Elle porte sur cette récompense que je ne dois pas attendre, qui ne doit pas être la source de mon action. Si, comme dans l’Évangile, j’invite des amis pour être invité en retour, ou pour être bien vu, ou pour impressionner mes convives, alors cette attente de remerciement vient tout abîmer, elle détruit le premier mouvement de mon cœur qui était généreux.
- Il est bon de faire une chose bonne pour recevoir un MERCI.
- Il est meilleur de faire cette chose bonne sans attendre de MERCI.
- Il est meilleur encore de le faire par amour de Dieu. Par pure perte, par pure gratuité, par imitation du Christ.
Le Christ n’a pas donné sa vie sur la croix pour que nous Le remerciions ou pour être admiré : Il a donné sa vie gratuitement parce qu’Il nous aime et sa seule récompense est d’avoir fait la volonté du Père.
Humilité et Gratuité ! En donnant le meilleur de nous-mêmes ! À notre juste place de serviteur ! Aimer la gratuité, celle qui nous conforme à Jésus et qui nous permet de dire, comme la petite Thérèse : « Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même… car ma joie, Seigneur, c’est de t’aimer ». AMEN.
Père Patrice Marivin