Le Père Patrice a présidé ce mardi 4 mars, la messe du 200ème anniversaire de la mort de la Bienheureuse Louise-Elisabeth, chez les Soeurs de la Charité de Saint Louis. Voici l'homélie qu'il a prononcée :
Il y a 200 ans exactement, mourait ici même à Vannes, le 4 mars 1825, Louise-Élisabeth de Lamoignon, par son mariage comtesse Molé de Champlâtreux et en religion Mère Saint-Louis, fondatrice de votre congrégation.
La Bienheureuse Louise-Elisabeth : une femme, une épouse, une mère, une veuve, une religieuse, une fondatrice. Quelle fécondité de vie !
Au seuil du Carême, en cette année jubilaire placée sous le signe de l’Espérance, il est heureux que nous fassions mémoire de cette grande dame qui eut un parcours de vie rarissime.
Qu’a-t-elle à nous dire aujourd’hui ?
En cette année jubilaire, nous pouvons regarder comment Louis-Elisabeth a cultivé l’espérance tout au long de sa vie :
- Elle a espéré un monde meilleur pour tous au lendemain de la révolution. Elle écrivait : « Mon pays m’a persécutée et je l’ai haï. Mais mon cœur a puisé dans l’amour du Christ une soif dévorante de pardon. …Je donnerai ma vie pour aimer ».
- Elle a espéré un apaisement dans l’Église et a apporté toute son aide à son curé M. de Pancemont pour qu’il parvienne à réconcilier le clergé. « Qu’allez-vous faire de moi » lui demande-t-elle un jour, et il lui répond « Vous allez me suivre à Vannes ». Et elle a tout quitté pour répondre à l’appel reçu.
- À Vannes, elle a espéré une vie meilleure pour les jeunes filles qui perdaient leur âme dans les lieux de prostitution sur le port. Elle écrivait : « L’instruction est le plus grand service de charité que l’on peut rendre à ces enfants pauvres, car rien ne doit être négligé pour développer l’intelligence, ouvrir leur esprit à la lumière et former leur raison. ». « Lorsque vous reprenez les enfants de leurs fautes, n’élevez pas la voix, ayez soin de ne jamais les humilier, étudiez leur caractère et efforcez-vous de gagner leur confiance. » C’est sur ces bases éducatives qu’elle a fondé la première Maison de charité, à Vannes.
Chères sœurs, l’espérance est une force qui vient de Dieu. L’espérance n’est pas une habitude ou un trait de caractère — que l’on a ou que l’on n’a pas — mais une force que l’on demande. C’est pourquoi en cette année jubilaire de l’Espérance, il nous faut avancer humblement en pèlerins de l’Espérance pour demander à Dieu la force de toujours continuer à avancer.
Votre fondatrice a construit sa vie sur Dieu, sur l’acceptation des signes des temps et l’obéissance confiante et intelligente à son guide spirituel Mgr de Pancemont qui l’invitait à tout donner.
Un jour, la bienheureuse dira à ses sœurs, et je la cite : « Recevons avec respect tous les événements qui nous arrivent : la santé ou la maladie, la consolation et les sécheresses, l’élévation ou l’abaissement, la paix ou le trouble, la joie ou la tristesse. En un mot, dans quelque situation que nous soyons, conformons-nous à la volonté de Jésus-Christ. C’est lui qui permet que nous y soyons, exerçant par-là sur nous un empire de justice et de miséricorde ».
Mes sœurs, il vous arrive certainement de parfois, vous poser des questions, ou de vous laisser aller à quelques peurs : peur de ce monde incertain et fragile, peut de vieillir ? peur du non renouvellement de la congrégation !
J’ai été très touché du moment que j’ai passé avec vous, il y a quelques semaines, vous les sœurs de « l’infirmerie » ! Je crois que j’entends votre fondatrice, pleine d’action de grâces et de reconnaissances pour vos vies données, offertes et partagées, vous dire : « Confiance ! N’ayez pas peur ! Tenez bon ! Soutenez-vous mutuellement. Soyez des priantes et n’oubliez jamais que vous êtes des pierres vivantes destinées à la construction de la Jérusalem Céleste, dont Jésus est l’architecte. Laissez-vous donc tailler, polir par Lui, qui seul sait à quoi Il nous destine et le chemin que nous devons suivre pour y parvenir ».
« Vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde » nous dit l’Évangile. La foi de Mère Saint Louis était une foi incarnée, parce qu’elle avait compris que l’incarnation est le plus grand acte de miséricorde que Dieu fait aux hommes. Aujourd’hui, élevée dans la lumière des bienheureux, sa vie rayonne sur nous et nous fait comprendre que la plus haute spiritualité ne conduit pas à fuir les réalités : au contraire, elle ouvre l’esprit et le cœur pour rester les pieds sur terre, dans son temps, dans son époque, en traversant les imprévus avec confiance et sérénité.
À Vannes et partout ailleurs, je crois, notre monde a besoin d’hommes et de femmes d’espérance. L’espérance, cette petite vertu qui marche entre ses deux grandes sœurs : la foi et la charité, selon les mots de Péguy.
Dans notre société hyper fracturée, divisée et morcelée, nous avons besoin de témoins, enracinés dans l’espérance et la Sagesse de la Parole de Dieu, des témoins nourris des sacrements vivifiants de l’Église, des sages qui n’agissent pas pour eux-mêmes, mais, pour servir là où Dieu les a plantés.
Vous savez l’amour que je porte à notre école catholique Sainte Jehanne d’Arc dont votre congrégation porte la charge et la responsabilité de la tutelle. Chaque vendredi que Dieu fait, en allant dans cette école, je pense à votre fondatrice ! Nos enfants ont besoin autant de témoins que de maîtres, nos jeunes ont besoin qu’on leur donne à voir le beau, le bien et le vrai et transmettent les repères nécessaires pour grandir et espérer en l’avenir. Je dépose humblement ici à Mère Saint Louis le devenir de cette école qui se joue actuellement. Une école catholique, en centre-ville, c’est de l’or pour une ville, c’est de l’or en barre pour une paroisse !
Rendons grâce à Dieu ce matin pour la vie lumineuse de la Bienheureuse Louise-Elisabeth et demandons au Seigneur de nous laisser guider, comme elle, par la Croix et par l’Esprit Saint ! AMEN.
Père Patrice Marivin
Nb : les citations prêtées à Louise-Elisabeth ou à Mère Saint Louis, sont tirées du livre de Paula Hoesl (éditions SPES 1958)