AUTORITE !
Voilà le mot-clé de l’Evangile entendu à l’instant !
Tentons de comprendre la nature de cette autorité unique et vivifiante qui est celle de Jésus-Christ et essayons aussi de discerner comment nous pouvons vivre de cette autorité au quotidien !
Jésus est dans la synagogue où il enseigne pour la première fois. Nous sommes au tout début de sa vie publique. Sa manière d’être et sa parole tranchent avec tout ce qui a été vu ou perçu jusque là. Une présence : une juste présence, une belle manière de se situer en toute liberté et dans la vérité ! Une parole : Jésus ne parle pas en l’air, sa parole a du poids, elle agit sur les personnes et les évènements, elle transforme le monde. Une autorité : Cette autorité ne se décrète pas, elle se reçoit ! Sa renommée se répandit dans toute la région de Galilée.
Non seulement Jésus enseigne avec autorité, mais il donne à entendre un enseignement nouveau. Rude dialogue n’est-ce-pas au cœur de l’Evangile avec l’esprit impur. «Tais-toi ». Cela pourrait se traduire par : «ferme-la ». Quand Jésus s’adresse aux esprits impurs, aux démons, il n’est pas poli, il ne fait pas dans la dentelle et ne prend pas de gants. On sent ici le combat et le contraste au milieu même de la synagogue. D’un côté, l’esprit impur, le démon qui se donne des airs de parole, qui fait semblant de poser des questions à Jésus et de dire la vérité sur qui il est. Parole rusée et désarticulée qui confond le «je » et le «nous », parole qui n’est que confusion et division. L’homme dont nous ne connaissons pas le nom, peut-être parce qu’il est chacun d’entre nous, va être guéri par le Christ et va pouvoir devenir le sujet de sa propre parole et de ses actes.
Voici la nouvelle autorité du Christ ! Dans l’évangile de Marc on ne voit pratiquement jamais Jésus en train de faire des discours. Le Jésus de Marc parle par ses actions et les quelques mots qui lui sont attribués sont d’une efficacité redoutable. Jésus est la Parole en personne, Il est la Parole même de Dieu qui fait taire, qui expulse les fausses paroles, mais qui aussi et surtout, rend la parole, la vraie parole humaine, et donc la liberté, à ceux qui ne l’on plus, liés qu’ils sont par un autre ou par d’autres qu’eux-mêmes.
Autorité ! Jésus l’exerce pour donner à l’autre personne la capacité de vivre et être libre !
Autorité ! A la suite de Jésus, nous sommes invités à être, à vivre et à «parler avec autorité ». Est-ce si simple ?
Revenons à la pièce de théâtre jouée hier soir dans la cathédrale, pour analyser finement l’attitude de l’abbé Huvelin dans sa rencontre avec Charles de Foucauld. L’abbé pressent que Charles est tracassé intérieurement par son désir de croire ou de ne pas croire, mais, qu’il n’arrive pas à se décider. Alors, l’abbé Huvelin, à l’instar de Jésus dans l’évangile prononce une parole qui fait autorité sur Charles : « Agenouillez-vous ! Confessez-vous. »
Etonnante injonction ! et surprenante réaction qui fracture la carapace du pécheur qu’était devenu Charles ! C’est cela la parole d’autorité. Tous ceux qui ont fait l’expérience de rencontrer Jésus, savent que la vraie foi, la vraie recherche de Dieu, se fait à genoux, dans l’humilité et non dans le bavardage et les discussions stériles. La parole qui fait autorité est une parole qui agit, qui libère. « Tais-toi, sors de cet homme », « Zachée descend, ce soir je veux habiter chez toi. » . « Va, ta foi t’a sauvé » ….
Il ne faut pas confondre l’autorité avec l’autoritarisme, voire la tyrannie. Aujourd’hui, l’autorité a mauvaise presse. On préfère discuter, négocier, ne rien imposer. Dans nos familles comme à l’école, on évite de faire preuve d’autorité et «l’argument d’autorité » a presque disparu de la philosophie. En grec, le mot autorité se dit exousia, ce qui évoque un rayonnement, un débordement de l’être au dehors (ex) de son essence (ousia). L’autorité de Jésus ne vient pas de quelques galons ou diplômes, mais des profondeurs de son être. Par sa parole, Jésus ne nous dit pas des choses, ne nous transmet pas des informations : il nous donne se personne. Quant au mot français, vous le savez peut-être, autorité vient du latin auctoritas, du verbe augere qui signifie faire croitre, faire grandir, et même faire exister, et qui a donné en français le verbe augmenter ainsi que le mot auteur, au sens de créateur. L’autorité, au sens premier, c’est le pouvoir de faire grandir, de susciter, de développer ce qu’il y a de bon chez les autres. On dira par exemple, que les parents sont les auteurs de leurs enfants, ils sont là pour les élever. Eduquer, c’est conduire vers le haut.
Autorité ! Posons-nous 2 questions :
- est-ce que je suis capable d’accueillir l’autorité de Jésus, par l’intermédiaire de l’Eglise, du pape, d’un prêtre, d’un confesseur ou par la lecture priée de l’évangile ? ou, au contraire, est-ce que je me crois trop imbu de moi-même, trop diplômé, trop intellectuel, pour me laisser « fracturer » le cœur à l’instar de Charles de Foucauld ?
- est-ce que ma vie chrétienne fait «autorité » auprès de ceux que je côtoie ? Est-ce que ma manière d’être et de vivre témoigne d’une autorité bienveillante qui ne transige pas avec la vérité de ma foi ?
Confions-nous à l’autorité de Jésus Sauveur. Que sa présence dans le capharnaüm de nos vies soit le rayon de soleil qui nous éclaire. Que sa parole puissante chasse de nous tout ce qui nous oppresse, tout ce qui nous asservit. Que son autorité nous fasse grandir et porter du fruit. AMEN.
P. Patrice Marivin