Homélie du 31 décembre 2023

Pour cette fête de la Sainte Famille, la liturgie dessine un arbre généalogique :

• Quatre grands-parents : Abraham et Sara, Syméon et Anne ;
• Deux parents : Marie et Joseph ;
• Un enfant : Jésus.

Il s’agit bien évidement d’un arbre généalogique symbolique mais qui réunit aujourd’hui des personnages de trois générations, comme dans nos familles.

Je vous propose de méditer sur ces différentes figures bibliques pour redécouvrir qu’à chaque génération, nous avons quelque chose de particulier à vivre et à transmettre.

Tout d’abord, Abraham et Sara nous montrent un couple avancé en âge et portant le lourd fardeau de la stérilité. A leur époque la stérilité était considérée comme un châtiment de Dieu. On peut imaginer la honte qui s’ajoutait à cette épreuve. Pourtant, grâce à la foi, Dieu leur a donné une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel.

Plusieurs siècles après, nous rencontrons Syméon, un autre ancien qui était juste et religieux. Syméon porte le poids de l’attente. Cette attente brûlante de voir le Messie. Syméon a beau être âgé, son cœur n’est pas engourdi. Il est attentif aux appels de l’Esprit-Saint. Cette sagesse que donne l’Esprit le conduit au Temple au moment où l’on présente l’enfant Jésus au Seigneur. L’espérance et la persévérance dont a fait preuve Syméon permet la réalisation de la promesse de voir le Christ avant de mourir.

Et puis il y a Anne, qui porte la douleur du veuvage : « demeurée veuve après sept ans de mariage ». On peut imaginer à quel point cette épreuve a dû la marquer. Anne a dû se retrouver dans une situation très précaire comme c’était le cas pour les femmes veuves à l’époque. Mais plutôt que le repli sur soi, elle a choisi de demeurer avec Dieu jour et nuit. Cette proximité de Dieu lui donne aussi de reconnaître le Sauveur dans le petit enfant qui est présenté au Temple ce jour-là.

Ces quatre figures d’anciens nous apprennent beaucoup sur la force que donne la foi. C’est parce qu’ils ont vécu de nombreuses épreuves (stérilité, attente, veuvage) que leur témoignage de foi est si puissant. Le poids des années et des épreuves ne peut pas être supporté par une vague idée théorique ; il n’y a que l’expérience de la rencontre avec le Dieu vivant qui puisse soutenir toute une vie. Le témoignage des anciens c’est celui de la fidélité et de la persévérance et il vaut tous les discours du monde !

Souvent dans les familles, la qualité des grands-parents c’est d’écouter. Dans notre passage d’Évangile, Syméon et Anne se mettent à parler et même à prophétiser. Cela nous renvoie au rôle de transmission des anciens et particulièrement des grands-parents. La crédibilité de la foi qu’ils transmettent s’appuie en premier sur ce témoignage de persévérance et de fidélité. Mais la transmission de la foi ne peut pas faire l’économie d’une parole : la foi naît de ce que l’on entend nous dit St Paul. Il ne s’agit pas d’une parole qui contraint ou qui impose mais une parole douce, joyeuse, pétrie de cette espérance qui nous anime. Qu’y a-t-il de plus beau et de plus doux qu’un ancien ou une dame âgée qui s’émerveille encore devant la naissance du Sauveur à Noël et qui communique cet émerveillement à son petit enfant. La transmission passe par cette communication simple et profonde de ce qui nous fait vivre.

En regardant la figure de St Joseph, nous voyons celui qui est dans la force de l’âge. Celui qui est capable de mener des projets, de trouver des solutions face aux difficultés. Joseph n’a pas encore le même recul ni la sagesse de Syméon mais il nous apprend comment nous laisser déplacer dans nos projets. On peut aisément imaginer tout ce qu’avait projeté Joseph en épousant Marie. On peut aussi penser aux projets professionnels qu’il souhaitait réaliser. Et pourtant Joseph accepte de se laisser déplacer, de remettre entre les mains de Dieu tout ce qu’il avait prévu. Cette fête de la Sainte Famille, c’est l’occasion pour chaque parent de se remettre devant la lumière de Dieu pour examiner si les projets de la famille sont bien ceux de Dieu.

En contemplant Marie, la jeune vierge de Nazareth, c’est l’accueil total de la volonté de Dieu qui se dévoile. Marie a cette fraîcheur qui ne met aucun obstacle à la venue de Dieu en elle. Pourtant Marie, malgré sa jeunesse, n’est pas épargnée par les épreuves. Elle entend aujourd’hui cette prophétie : « ton âme sera traversée d’un glaive » et elle s’apprête à fuir en Egypte pour sauver la vie de son enfant. C’est toujours au milieu des épreuves que la lumière de la foi peut resplendir.

Tous ces personnages, de toutes les générations, de tous les âges de la vie, nous apprennent que seule la Foi nous ouvre des chemins dans les impasses de l’existence. N’oublions jamais que d’Abraham à Marie, Dieu nous donne cette parole : « Rien n’est impossible à Dieu ! »

A l’heure où certains désespèrent car ils ne croient plus ; ils ont vécu trop d’épreuves pour savoir que ce n’est pas possible. A l’heure où d’autres n’osent même pas espérer car malgré leur jeunesse on ne leur parle que de catastrophe climatiques et de guerres, le Seigneur nous redit : Rien n’est impossible à Dieu !

Célébrer la Sainte Famille c’est redire toute l’espérance que Dieu place dans nos familles. C’est redire que la foi vécue dans son foyer est la plus grande richesse que l’on peut avoir car elle traverse les frontières de la mort.

Je terminerai en vous citant la prière après la communion de cette messe qui peut être le vœu que nous faisons pour chacune de nos familles : « Tu refais nos forces, Père très aimant, par le sacrement du ciel : donne-nous de toujours imiter les vertus de la sainte Famille et, après les épreuves de cette vie, d’obtenir avec elle le bonheur sans fin. » Amen.