Homélie 2ème dimanche de Carême (A)
5 mars 2023
B comme Belle Église. C’est par ce 2ème essentiel que nous poursuivons notre chemin de Carême paroissial. En voyant l’affluence de touristes qui déambulent à chaque temps de vacances dans notre cathédrale, nous pouvons être à peu près sûrs qu’ils la classeraient parmi les « belles églises ».
Méditer sur ce 2ème essentiel nous donne l’occasion de revoir la place que nous accordons à la beauté dans notre vie quotidienne.
Aujourd’hui, nous rangeons la beauté dans le domaine de la décoration, c’est un supplément, une sorte de bonus dont on peut bien se passer. Finalement, la beauté n’est plus essentielle ; si elle est là tant mieux, si elle n’est pas là tant pis. Pourtant nous allons voir que la beauté est fondamentale pour notre vie et pour notre foi.
Mais tout d’abord, de quelle beauté parlons-nous ? Il ne s’agit pas d’un certain plaisir esthétique qui pourrait être fabriqué à grands coups d’artifices ou de chirurgie. Un esthétisme finalement basé sur le faux pour donner l’illusion (on peut penser à toutes ces images retouchées qui affluent dans toutes les campagnes de publicité). Il s’agit de la beauté qui nait de la rencontre d’une réalité avec la Vérité. L’écrivain François Cheng a cette très belle formule : « La beauté n’est pas un simple ornement. C’est le signe par lequel la création nous signifie que la vie a du sens ». La beauté est comme une fenêtre qui s’ouvre, nous laissant apercevoir l’horizon pour lequel nous sommes faits.
Je peux vous témoigner que personnellement, je suis passé d’une foi reçue de mes parents à une foi que j’ai choisie personnellement grâce à une expérience de la beauté. Lorsque j’avais 15 ans, j’ai écouté la Passion selon St Jean de Bach et j’ai été saisi par cette beauté, qui n’était pas juste une belle succession de notes, mais qui m’a donné de toucher quelque chose de Dieu. Et j’ai pu dire à la suite de ça : « Oui Seigneur, je crois que tu existes ». Mystère de cette beauté qui peut ouvrir notre cœur jusqu’à Dieu.
Finalement la beauté c’est la splendeur du vrai et la vérité c’est le Christ en personne. Frères et sœurs, Dieu et beau et nous sommes créés à son image. Je vous laisse en tirer la conclusion qui s’impose. Il le dira lui-même dans la Genèse : « Dieu vit tout ce qu’il avait fait ; et voici : cela était très beau[1] ».
La Transfiguration de Jésus a été un épisode où la vérité de sa divinité a donné lieu à une manifestation de la beauté : « son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière ». Une fenêtre s’est ouverte sur le ciel à tel point que les disciples ne veulent pas que ça s’arrête : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ». Pourtant ce moment s’arrête et sera suivi de l’ordre de Jésus de n’en parler à personne avant qu’il soit ressuscité des morts.
La Transfiguration ne va pas sans la Passion et la Résurrection du Christ. Aujourd’hui, nous pouvons dire que la croix est belle, parce que le Christ en a fait le signe de la victoire de la vie sur la mort.
Ce que le Christ a fait avec sa croix, il veut le faire avec toutes les croix de nos vies. Tout ce qui nous pèse, tout ce qui nous blesse tout ce qui nous parait sans issue, il veut le transfigurer. C’est par une blessure que le cœur du Christ a été ouvert et il transforme cette plaie en source de son amour.
Méditer cet essentiel durant notre semaine, c’est premièrement remettre nos vies devant le Christ, lui qui est la Vérité. C’est accepter de se laisser rejoindre, de se laisser convertir sur ce qui résiste encore à l’amour de Dieu. La méditation de « B comme Belle Église », c’est sûrement pour nous le moment favorable pour passer au « salon de beauté ». Laisser le Seigneur restaurer son image en nous par le beau sacrement de la réconciliation.
Alors prenons ce temps durant cette semaine de contempler le Seigneur à travers la beauté. Prendre le temps de nous laisser émerveiller par sa création, par une peinture, par une musique pour ouvrir notre âme à cette proximité de Dieu. Et surtout laissons-nous émerveiller de la beauté de sa miséricorde.
Amen.
Père Thibault de Bruyn
[1] Gn 1, 31. Le mot grec « Kalos » utilisé ici peut être traduit par « beau ».